Il est surprenant de voir le très peu d'écho donné par la communauté financière y compris de l'ISR (Investissement Socialement Responsable) à la tuerie qui a coûté la vie à 17 collégiens américains le 14 février dernier à Parkland, au sud de Miami.
Les articles qui ont paru dans la foulée dans la presse américaine sont comme habituellement remarquablement documentés (cf sélection en pied de cet article). Ils révèlent la forte culture actionnariale américaine. Les entreprises sont connues du grand public qui en est actionnaire à travers des fonds de pension, publics comme privés. Tous les chiffres sont connus et traduisent l'ouverture de la société américaine (à qui on pourra attribuer d'autres défauts mais pas celui là). Le moindre article dans Fortune, CNN Money, le Wall Street Journal,... est truffé de chiffres sur les participations des uns et des autres. On sait immédiatement qui a perdu quoi, qui est pris dans quel filet,...
On apprend notamment que Blackrock le géant mondial de la gestion d'actifs est le premier actionnaire de la plupart des fabricants d'armes américains :
Larry Finck, le patron de Blackrock, à la tête de 6 000 milliards de dollars, se retrouve au pied du mur un mois exactement après sa lettre aux patrons américains ! Il les appelait à construire des entreprises soucieuses de leur impact sociétal :
Larry Fink a le pouvoir de changer le monde : les 6 000 milliards gérés par Blackrock ne sont pas une goutte d'eau. La capitalisation boursière mondiale est de 90 000 milliards de dollars. Dans sa lettre, il évoque les limites de son action en matière de gestion indicielle.
M. Finck, vous allez vous lancer dans une longue campagne d'engagement, mais le temps est venu de "changer" les indices. Les indices sont en vérité des thermomètres qui donnent la température d'hier alors que tout le monde cherche celle de demain. L'actualité met en lumière une construction inaboutie de la finance : ses indices. Obligataires, ils donnent le plus de pondération aux sociétés les plus endettés alors que l'endettement est le poison qui finira par les tuer et conduire à la ruine les porteurs. Actions, ils sont capables de porter une folle spéculation au pinacle des plus fortes pondérations (rappelons nous des TMT). En 2018, les cryptomonnaies pèseraient 500 milliards de dollars ce qui leur vaudrait d'accrocher la troisième pondération dans l'indice S&P 500, derrière Apple et Microsoft mais devant Amazon !
La question n'est pas de jeter au panier les indices. Ils sont trop utiles pour séparer le bon grain de l'ivraie, et identifier par exemple les gérants de portefeuille sous-performants. Il est question d'exclure des indices les sociétés qui n'ont rien à y faire. L'ISR et sa démarche best in class (qui à ce titre incluent les fabricants d'armes et de tabac par exemple) essayent de nous donner des clés de lecture. Elles sont encore très incomplètes. Les armes et le tabac sont les premiers secteurs à exclure des indices. Le dramatique épisode de Parkland vient rappeler leur lourd tribut social et humain : 120 000 morts par armes à feu aux Etats-Unis depuis 10 ans. Pour le tabac, on dénombre 70 000 morts par an rien qu'en France (et 6 millions dans le monde). Aucun de ces deux secteurs ne sont non plus exclus du Label ISRsoutenu par l'Etat.
Je fais une proposition toute simple à M. Larry Finck : qu'il applique sa lettre ... à la lettre et fasse pression sur les fabricants d'indices (MSCI, FTSE, S&P, Dow Jones,...) pour qu'ils en excluent les armes et le tabac. Mettons ces secteurs à l'index et notre épargne n'en sera que plus éthique et plus responsable.
Articles parus dans la presse américaine :
http://fortune.com/2018/02/22/guns-wall-street-nra-stock /
https://www.bloomberg.com/news/articles/2018-02-21/has-the-gun-stocks-trade-run-out-of-ammo-recent-trends-say-yes -
https://www.cnbc.com/2018/02/15/wall-street-has-a-hard-time-dumping-the-gun-industry.html
Vincent Auriac
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