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Photo du rédacteurVincent Auriac

Loi Pacte : le rendez-vous manqué de l'épargne rentable



La loi PACTE devait révolutionner le paysage de l'épargne. Sur un point, elle n'en prend pas le chemin. La loi PACTE va autoriser les titres de dette dans le PEA-PME. Ces titres auront été souscrits sur les plateformes de financement participatif. Régulées par l'Autorité des Marchés Financiers, une quarantaine de plateformes sont actives en France. Mais le crowdlending ne représente qu'une collecte de 195 millions d'euros en 2017. Insuffisant pour assurer une épargne rentable aux Français.


Le financement participatif (crowdfunding, littéralement financement par la foule) permet aux particuliers de financer des entreprises sans passer par la case "banque". Il faut toutefois un intermédiaire : c'est alors une plateforme de financement participatif. La loi PACTE autorise le financement participatif sous forme de dette (crowdlending en anglais). C'est l'opportunité de compléter les investissements en actions du PEA/PEA-PME par des titres de dette, a priori moins risqués. Le crowdlending permet en général de financer les dépenses des entreprises non prises en compte par les banques, comme le besoin de liquidité par exemple ou des projets d'investissements immatériels.


Le PEA-PME peine à décoller


Resituons les choses en terme macro-économiques. Depuis 2014, le PEA PME permet de placer ses économies, dans la limite de 75 000 euros, en actions de sociétés de PME (Petites et Moyennes Entreprises) et d'ETI (Entreprises de Taille Intermédiaire) et ce, en franchise d'impôt dès 5 ans de détention (mais pas de taxe).

L'encours du PEA PME s'élève 1,7 milliards d'euros à fin 2017 (contre 92 milliards pour le PEA classique lancé en 1992). Il concerne 65 000 plans. La taille moyenne est donc de 26 000 euros. En comparaison, les encours du PEA « classique » atteignent 92 milliards d’euros pour près de 4 millions de porteurs. 


Le marché du crédit systémique à multiples facettes


Le crowdlending est en concurrence avec les formes traditionnelles de crédit, intermédiées par les banques. On distinguera principalement le crédit à l'habitat, aux entreprises et à la consommation :


Le marché du crédit à l'habitat des particuliers représente une production de nouveaux crédits de 272 milliards d'euros en 2017.


L'encours atteint 985 milliards d'euros fin juillet 2018


Le crédit à la consommation des ménages représente 175 milliards d'euros d'encours.


Les crédits de plus de 25 000 euros mobilisés par les entreprises atteignent un encours de 973,3 milliards d'euros à fin juillet 2018.


Les ambitions contrariées du crowdlending direct


Le crowdlending direct présente des difficultés techniques qui freinent son essor. Plusieurs études (et le bon sens) recommandent de diversifier son portefeuille sur au moins une centaine de prêts. Il faut étudier plus que ce nombre pour en retenir 100 au final : une activité chronophage pour le non expert (40% des prêteurs s'en plaignent, source crowdlending.fr). Prêter à moins d'entreprises fait courir le risque de subir des défauts de paiement qui ne pourront être amortis sur le grand nombre. Le marché français est encore étroit : une plateforme propose en moyenne 60 prêts ! Seules 2 plateformes sur les 40 agrées et actives en France ont dépassé les 100 dossiers financés : Lendix et Credit.fr. Pour atteindre la barre des 100, il faudra donc multiplier les inscriptions sur plusieurs plateformes. A défaut d'atteindre cette diversification, le prêteur (l'épargnant) pourra voir son rendement net se dégrader et voire même tout perdre.


La solution du fonds de prêts


Le fonds de prêts est un crowdlending indirect. C'est le fonds qui prête et pas le particulier. L'esprit historique (le particulier reprend la main sur la finance) y perd mais l'efficacité et la diversification y gagnent. Le premier fonds de prêts, NOVO, date de 2103, souscrit par des assureurs et des fonds de retraite.


Comme tout fonds de placement, il permet de diversifier sur un grand nombre d'émetteurs. Par exemple, le troisième fonds lancé par la plateforme Lendix envisage d'atteindre une taille de 200 millions d'euros et d'investir sur 600 prêts. Bien sûr, avec 100 euros dans ce fonds, le souscripteur accède de facto à ces 600 prêts.


600 prêts avec un fonds de prêts, 60 en moyenne avec le crowdlending direct sur la plateforme. 200 millions d'euros pour le crowdlending direct vs 3 milliards d'euros pour fonds de prêt. La bataille est inégale et le fonds de prêt l'emporte haut la main. La loi PACTE a préféré le symbole du "crowdlending direct" à la sécurité et à la rémunération des fonds de prêt. Une minorité de particuliers va profiter de la mesure : il y a 30 000 prêteurs inscrits (pas tous actifs) sur les trois plus grosses plateformes françaises (Lendix, Credit.fr et Lendosphère).


Précisons aussi que le fonds de prêt comme le crowdlending direct est une solution plus intéressante que les produits actuels dans le cadre de la lutte contre le changement climatiques. Une étude réalisée par Unilend sur la suggestion d'Axylia a montré que le financement participatif de prêt avait une empreinte carbone inférieure de 46% à celle des grandes entreprises du CAC40. ! En effet, les TPE PME appartiennent à l’économie locale, basée sur des circuits d’approvisionnement courts et une production de valeur moins intense en émissions de carbone (CO2e).


Une épargne grand public maltraitée


Le choix d'autoriser l'entrée des fonds de prêts dans les PEA aurait rendu un fier service à l'épargne. Les fonds de prêt rapportent entre 2,5% et 5%. Problème : les fonds de prêt sont réservés aux investisseurs professionnels. Le grand public devra se contenter des 0,75% du livret A (55 millions de détenteurs avec un encours moyen de 4500€) ou des 1,8% de l'assurance-vie (37 millions de souscripteurs avec un encours moyen de 30 000€) ; ces deux rémunérations sont désormais inférieures à l'inflation, attendue à 2,1% en France en 2018. Il faut remonter à 1983 pour retrouver une épargne grand public aussi maltraitée ! Trop peu d'articles s'intéressent à ce sujet systémique. La loi PACTE n'y fera rien, c'est bien dommage.


Vincent Auriac

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