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  • Photo du rédacteurVincent Auriac

La fin de l'épargne rentable


En octobre 2018, Unilend a annoncé sa mise en cessation de paiement. Unilend était une plateforme de financement participatif, sous forme de prêt. Des particuliers se réunissaient sur cette plateforme pour financer des TPE, sans caution, moyennant pour ces dernières paiement d'un intérêt. L'enjeu d'Unilend était double : financer les entreprises et apporter une rentabilité à l'épargne.


Concernant le premier objectif, Unilend, première plateforme de ce type lancée en novembre 2013 avait au total financés 427 projets de TPE, pour près de 33 millions €. Lendix, le leader du marché, a de son côté octroyé 223 millions € de prêts, une performance remarquable dans un marché qui n'existait pas il y a encore 5 ans. Le crowdlending n'a pas de caractère systémique. Le marché du prêt aux entreprises atteint à fin aout 971,1 milliards € (source Banque de France/BDF) !


Parlons rentabilité. Le taux d'intérêt moyen annuel était de 7,8% chez Unilend, le taux de rendement après défaut était de 3,4%. Un chiffre est à comparer au taux d'intérêt moyen de 1,71 % pour les crédits nouveaux (d'un montant unitaire inférieur ou égal à 1 million €) octroyés par les banques aux entreprises françaises (source BDF). Ce seul taux peut amener à s'interroger sur la rentabilité des banques. On comprend leur réticente à la séparation des métiers quand le métier historique n'est plus rentable.


La rémunération de l'épargne grand public est en berne. On parle pourtant de 5 000 Milliards d'euros (Mds €), une somme considérable ! Pas d'article dans la presse, aucune proposition des politiques. Pourtant les voyants sont au rouge.


Cette rémunération ne compense plus l'inflation qui dépasse désormais les 2% : conséquence, le citoyen-épargnant français s'appauvrit. En effet, le livret A (257 Mds € d'encours) rapporte 0,75%, un taux figé jusqu'en 2020 par le gouvernement. Au total, tous les livrets bancaires (733 Mds € d'encours, source BDF) rapportent 0,9% en moyenne (source BDF). L'assurance vie pèse 1 300 Mds €, investis dans les fonds en euros ; elle rapporte en moyenne 1,83% (source ACPR). La partie investie en unités de compte (en bourse pour simplifier) aura une performance négative cette année. Et comme les revenus (salaires, pensions) sont soumis au même régime sec, au final, c'est le citoyen tout court qui s'appauvrit.


Les seuls placements qui affichent des rémunérations réelles positives (supérieures à la hausse des prix) sont réservés à 0,1% de la population française (selon nos estimations à partir des données INSEE) : les investisseurs professionnels. Un investisseur professionnel répond à une définition drastique. Il pourra accéder aux fonds de prêt, d'infrastructures, ... avec des rentabilités annuelles comprises entre 2,5% et 5%.


On nous rétorquera que la loi permet désormais au grand public d'intervenir en direct grâce au financement participatif de prêt ou crowdlending. Dans les faits, le crowdlending est le terrain de jeu des épargnants "hyper connectés" (pas plus de 300 000) qui peuvent consacrer plusieurs heures par semaine à analyser les projets ! Et à 300 € le montant moyen prêté par les prêteurs, le crowdlending direct n'est pas la solution systémique pour une rémunération positive de l'épargne. L'épargnant aura même beaucoup de mal à diversifier son portefeuille de prêts sur une centaine d'emprunteurs comme le recommandent les professionnels. En effet, l'offre moyenne par plateforme est de 58 (source Crowdlending.fr), obligeant à ouvrir plusieurs comptes ! Et l'offre de prêts reste rare et parfois placée en quelques minutes.


Si la planète se réchauffe, l'épargne financière est entrée depuis plusieurs années dans une période glaciaire. Il reste bien des poches de rentabilité mais elles sont captées par les banques. C'est le cas du leasing automobile qui affiche un retour sur fonds propres de 25% (source L'Echo). Le débat sur les entreprises à mission trouverait une belle application dans le secteur bancaire. Quand la mission des banques s'exprime comme étant "d'accompagner une croissance soutenable pour ses clients et contribuer à un avenir meilleur" (source BNP), on pourrait imaginer une mission plus engagée qui consisterait à fournir à ses clients des solutions d'épargne rentable. Une décision forte et crédible de RSE des banques pourrait consister par exemple à "fillialiser" l'activité de credit bail dans une structure de placement collectif, offerte aux épargnants français.


Sauf à imaginer ce type de montages disruptifs, la RSE des banques restera bien pâle. En attendant, l'érosion de pouvoir d'achat de l'épargne va se poursuivre. Une perte de pouvoir d'achat de 1% sur 5 000 Mds € d'épargne des Français représente un manque à gagner de 50 Mds €. Une somme qui équivaut au montant des dépenses de carburant des ménages français ou au litre d'essence à 3 € ! Ca ne vous rappelle rien... ?


En résumé :


. la réglementation privilégie le financement participatif sous forme de prêt direct (crowdlending direct) sans perspective systémique (efficacité discutable de l'action publique)


. Le métier historique de prêt des banques est de moins en moins rentable


. Le gouvernement fige le taux des livrets à un moment où l’inflation repart donc le pouvoir d’achat baisse (ce point va avec le précédent)


. Aucun politique ne se saisit de la question de la rentabilité de l’épargne grand public, le boomerang revenant plus tard (effet inégalités/"gilets jaunes")


. Les placements les plus rentables sont actuellement réservés à une minorité de clients, les clients professionnels (effet inégalités/"gilets jaunes")


. Les banques pourraient faire bénéficier leurs clients de lignes de métiers rentables


. Sauf à le faire, le discours de RSE des banques manquera de crédibilité


. Le concept d’entreprise à mission introduit par la loi Pacte conduit à imaginer l’idée d'une profonde évolution de la forme actuelle des banques


Vincent Auriac

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